mercredi 30 juin 2010

Les machines de Léonard de Vinci – Muséum d’Histoire naturelle de Neuchâtel


Si vous en avez marre de la Joconde, son sourire niais et sa horde de touristes japonais environnante, allez faire une tour du côté de Neuchâtel, où quelque part entre les rats et les mouches vous pourrez découvrir quelques unes des plus épatantes inventions de l’auteur du portrait de Mona Lisa à travers une expo amusante, dans un musée certes moins coté que le Louvre et pourtant fort sympathique. A voir jusqu’au 1er août 2010.
Qui mieux que Leonardo da Vinci incarne le mythe du génie humaniste de la Renaissance ? Homme d’esprit universel, il était un peu tout à la fois : peintre, philosophe, scientifique, musicien, et même botaniste selon wikipédia. C’est précisément l’une de ces multiples facettes que cette expo se propose d’explorer en plongeant le visiteur dans la genèse de ses plus folles inventions, secrètement compilées dans ses carnets de croquis cryptés. En actionnant vous-même les machines reconstituées pour l’occasion, vous rentrerez pleinement dans l’imaginaire de l’artiste, prenant ainsi toute la mesure de son génie, parvenu par la seule force de son imagination à repousser les limites de son temps.
Précurseur, le petit Léonard avait en effet déjà imaginé en son modeste début de XVIème siècle un prototype de parachute, un mécanisme similaire à celui de votre boîte de vitesse ou encore une sorte d’hélicoptère. Et tout ça grâce à une étonnante maîtrise des lois de la physique, comme les forces de frottement, sur lesquelles vous caliez au lycée, ainsi qu’une bonne dose de créativité, servie par une savante observation de la nature. C’est ce regard, sous lequel le monde qui nous entoure devient source d’inspiration, qui est mis en avant tout au long de l’exposition, en présentant côte à côte chauves-souris et machines volantes, ou autres chars d’assaut et carapace de tortue, ouvrant ainsi le champ à quelques truculentes digressions sous forme d’anecdotes sur la bionique, soit le domaine qui étudie la nature pour faire avancer la science. L’expo tisse ainsi un lien entre Léonard et la technologie de pointe, en prenant des exemples tels que les dernières combinaisons des nageurs professionnels, qui imitent la texture de la peau de requin histoire de faire trempette comme un poisson dans l’eau.
L’eau, c’est justement l’un des thèmes sous lesquels sont cataloguées les diverses inventions, tandis qu’un autre espace est dédié à ses nombreuses machines de guerre, au potentiel économique sans doute plus intéressant pour l’inventeur que ses tentatives de voler, probablement un brin utopiques aux yeux de l’époque. J’ai été bluffé par ses chaussures pour marcher sur l’eau, vénérables ancêtres du ski nautique, ainsi que par la sa bouée, dont la simplicité en fait la réplique exacte de celles que l’on trouve sur les plages aujourd’hui. Dans un registre plus délirant, les sadiques apprécieront sa gigantesque faucheuse pour champ de bataille, qui, comme signale les notes de son concepteur, risquait de faire autant de dégâts chez l’ennemi que dans son propre camp.

Car comme le rappelle fréquemment les textes explicatifs, les machines de Léonard ne fonctionnent pas toujours comme sur des roulettes. On est même quelques fois surpris de découvrir à quel point l’artiste était en avance sur son temps tout en demeurant à la ramasse sur certains points. S’élevant ainsi contre la tendance à l’hagiographie mystificatrice qui entoure le personnage, l’expo intègre intelligemment le fameux vélo qu’on lui a récemment attribué, avant qu’on se rende compte que les dessins en question n’étaient qu’une supercherie. Les phallus gribouillés en marge restent toutefois authentique, ce qui montre que Vinci, sans doute trop bouillonnant d’imagination pour être aussi assidu à la tâche qu’un Michel-Ange, savait aussi déconner. Sautant sans cesse d’une idée à l’autre, l’artiste était peut-être trop occupé à aller de l’avant pour prendre du recul et se rendre compte que son hélico aurait filé un sacré tournis à ses passagers.
En tout cas, après Dan Brown et les tortues ninjas, c’est toujours sympa de retrouver Leonardo dans un musée, sans se prendre la tête pour autant : l’expo s’avère en effet particulièrement fun car pas trop longue, avec plein de trucs à trifouiller, et plutôt bien construite, bien que ma grand-mère n’aie pas toujours compris à quoi pouvaient bien servir toutes les machines exposées malgré les explications. On reste tout le long de la visite bouche bée devant une telle inventivité, confrontés aux confins d’un génie qui nous dépasse encore aujourd’hui.