mardi 27 mai 2014

Grégory Sugnaux à lokal int - interview





Le jeune artiste Grégory Sugnaux exposait récemment au lokal int de Bienne. Votre intrépide chroniqueur s’est rendu au vernissage pour tenter de mettre des mots sur ses créations inqualifiables tout en dégustant une bière locale.

Colin Raynal : « Fruit tree » est ta première exposition solo, parle-nous du titre de cette exposition et de ce que tu y présentes.
Grégory Sugnaux : Je présente des sculptures récentes ainsi qu’une peinture murale réalisée in situ. Certaines sculptures sont accrochées au mur, d’autres sont déposées sur le sol, mais elles reposent toujours sur des barres en métal bien visibles. Les différents éléments repartis dans l’espace forment un tout cohérent. Et comme c’est le début du printemps, j’ai appelé l’exposition Fruit Tree.

CR : Explique-nous le concept de cette exposition.
GS : Je ne conçois pas vraiment ma pratique en termes de concepts. Je travaille avant tout de manière intuitive et me situe plutôt dans un courant minimal. Les éléments sont là en soi, elles ne renvoient pas à une idée profonde qui se trouverait hors-champ. Par exemple, la peinture murale se rapproche du décoratif, du motif de papier peint. En même temps, elle rappelle une certaine forme de street art, et elle souligne l’architecture du lieu tout en donnant l’illusion d’un nouvel espace. Mais finalement, pas sûr que tous ces éléments suffisent à résumer ce qu’elle représente pour moi. Il y a un moment où les mots ne suffisent plus, et c’est ça qui m’intéresse, c’est justement ça que je recherche. Exprimer quelque chose d’autre, dont il faut faire l’expérience.

CR : Quelles sont tes méthodes de travail ?
GS : Je suis d’abord un observateur. Je prends beaucoup de photos. Je navigue aussi sur Internet. Mon attention se porte sur des détails. C’est un processus qui peut prendre un certain temps. Je m’approprie des formes, je les déforme, les simplifie. J’aime bien explorer de nouveaux territoires, tenter des choses, laisser la place à des accidents. Je peux passer de l’abstraction à la figuration, de la couleur à la sculpture. Je ne me fixe pas de limites. C’est une recherche constante.

CR : Quelles sont tes références?
GS : Ces derniers temps, je m’intéresse à Renee Levi et David Thorpe. Sinon, j’aime bien les peintres comme Franz Ackermann, Sigmar Polke, Walter Swennen, Katharina Grosse, les deux frères Oehlen. Je regarde aussi des films, de la science-fiction, des documentaires, et j’aime l’architecture des années 60. Je peux puiser mon inspiration dans des choses très simples, je me laisse imprégner par les formes qui m’entourent. Après j’aime bien m’enfermer dans mon atelier, seul avec moi-même, et regarder ce qui en ressort.


CR : Est-ce que tu penses que ton travail comporte une dimension politique ?
GS : Pas directement. Je fais de l’art, pas de la politique, mais c’est aussi une manière d’essayer de changer le monde quand on y pense. Si tu replaces l’art minimal dans son contexte de l’époque, tu te rends compte que c’était plus qu’une simple préoccupation esthétique. Quoi que tu fasses, tu prends position. Et rien que faire de l’art, ça veut déjà dire quelque chose. Mais après, je reste modeste par rapport à ça. Je ne définirais pas ma pratique comme étant politique.

CR : Qu’est-ce que tu cherches à susciter chez le spectateur de ton exposition ?
GS : C’est peut-être un peu fort de parler d’émotion, mais en tout cas ça a à voir avec un certain ressenti. J’ai réfléchi les choses par rapport à l’espace, et la façon dont on y circule. C’est une sorte de promenade pour les yeux. J’aime bien jouer sur l’apparence des choses, opérer des renversements. Par exemple, les sculptures en béton sont moulées dans du sagex, un matériau léger qui laisse son empreinte caractéristique à la surface de la sculpture. Les formes massives, aux angles acérés, qui reposent uniquement sur la tranche, renforcent cette ambigüité. J’aime bien que le spectateur s’interroge sur le processus de travail. Je cherche à susciter la curiosité, provoquer des questionnements, ouvrir des potentiels. Je pars du quotidien pour créer un monde à l’apparence à la fois proche et lointaine.

CR : Comment envisages-tu la suite de ton travail ?
GS : Je ne peux pas dire dans quelle direction ça va évoluer, mais dans tous les cas je vais continuer à expérimenter des choses. Je n’ai pas envie de rentrer dans un cadre, de m’enfermer dans une catégorie pour le moment. J’essaie des choses et je me fais plaisir. Pendant mes études aux Beaux-arts de Sierre, j’ai fais beaucoup de peinture, et maintenant que je suis à Berne, je me suis aussi mis à la sculpture. Qui sait, peut-être qu’un jour je passerais à la performance ! (rires) Je fais bien du théâtre de temps en temps, alors pourquoi pas ! Mais ça m’étonnerait quand même.

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