mercredi 31 mars 2010

Alice au pays des merveilles – Tim Burton


On l’attendait au tournant, la voici : l’adaptation baroque du célèbre conte de Lewis Carroll par l’excessif Tim Burton, qui nous plonge dans un univers féérique un peu gâché par un scénario standardisé aux normes hollywoodiennes.

Burton et Alice, c’est un peu comme Godzilla vs King Kong, un monstre qui s’attaque à un autre. Deux imaginaires tout puissants qui se retrouvent confrontés. Dès lors, pas étonnant que le combat attire l’attention des foules, ne serait-ce que par curiosité. Mais au gong final, nul n’en sort vraiment épargné, après avoir frisé le pire et côtoyé le meilleur. Comme c’était déjà le cas avec Charlie et la chocolaterie, autre classique de la littérature enfantine britannique adapté par le réalisateur, on attend beaucoup du film et on en ressort un peu déçu. On voulait que ça pétille et on n’a droit qu’à une version édulcorée. Un ersatz de fantaisie dont le film s’était fait l’ambition.


A la manière de la reine rouge, Burton semble avoir pris la grosse tête. Qu’on lui la coupe ! Car le film est beaucoup trop réfléchi pour être le rêve miraculeux d’une petite fille débordante d’imagination. Pire, on tombe très vite dans une basique lutte entre le bien et le mal, avec des courses-poursuites et des combats qui donnent un aspect très violent, qui plus est renforcé par la 3D, à une histoire plutôt destinée aux enfants : on sort du rêve pour sombrer dans un cauchemar sans grand intérêt. Ajouter à cela un Johnny Depp (mais est-ce vraiment lui ?) qu’on a rarement connu aussi peu convainquant, et une bande originale élargie avec Avril Lavigne et Tokyo Hotel, et on est en droit de penser que ce sacré Tim cherche à nous refourguer un navet à fort potentiel commercial auprès des adolescents juvéniles. Le label « Alice » n’est plus qu’une garantie de revenus, une valeur sûre régulièrement ressortie du placard qu’il ne s’approprie pas assez (Alice au pays des merveilles a connu passablement d’adaptations cinématographiques, notamment le dessin-animé de 1951 des studios Disney, où Burton a d’ailleurs fait ses débuts dans le métier en dessinant les planches de Rox et Rouky, ainsi que la première version de 1903 et ses trucages à la Georges Meliès, vénérables ancêtres des effets spéciaux). Un film qui rapportera des pépettes à n’en pas douter, mais plus difficilement un oscar.
Pourtant, tout n’est pas à jeter, loin de là. On peut apprécier plusieurs scènes délirantes dans des décors magiques, des personnages loufoques, avec des têtes immenses, des tocs étranges ou des gestes exagérément maniérés. La capacité du cinéaste à créer une atmosphère particulière demeure fascinante. Mais passé ces moments d’extase, on retombe dans des clichés hollywoodiens et autres lieux communs inintéressants au possible, en suivant une trame narrative beaucoup trop linéaire.

Le mythe du génie bafoué nous pousse à croire que les méchants producteurs hollywoodiens ont bridé la créativité de Tim Burton pour livrer un film classique et réducteur, à moins que le réalisateur à l’esthétique expressionniste si particulière (Edouard aux mains d’argent, Batman, Sleepy Hollow), dont les dessins et études préparatoires sont actuellement élevées au rang d’œuvres d’art puisque exposées au MoMA de New-York, ne se soit petit à petit fait bouffer par le système et aie adopté sans s’en rendre compte une méthode de travail plus mainstream. En tout cas, les fameuses lunettes 3D produisent paradoxalement plus d’effet sur le spectateur que la truculente absurdité philosophique du récit original. Dommage.

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