lundi 8 mars 2010

Star Wars


M6 diffuse pour la première fois en France l’intégralité de la mythique série de George Lucas. Décryptage du phénomène devenu un monument de la culture geek.

Tout commence en 1977, avec la sortie du premier film de la trilogie originale, l’épisode IV : un nouvel espoir. Ambitieux, George Lucas avait imaginé une série de six films se déroulant dans le même univers, un peu à la manière de Tolkien et sa Terre du Milieu. Mais le célèbre cinéaste choisit de réaliser en premier lieu le 4ème opus dans la chronologie du récit, qui met directement en scène les deux personnages principaux, Luke Skywalker et Darth Vador, symboles du combat entre le bien et le mal auquel la série peut se résumer. Car au fond, il s’agit d’une banale histoire de cape et d’épée transposée dans un univers futuriste très SF, genre déjà démodé à l’époque (dix ans avant, on avait déjà eu le premier homme sur la lune et 2001 l’odyssée de l’espace). Mais contre toute attente, le film remporte un immense succès qui ne se démentira pas par la suite, avec l’Empire contre attaque en 1980 et Le retour du Jedi en 1983.
Il faudra ensuite attendre la fin du siècle et les débuts de l’ère du numérique pour enfin découvrir le commencement de l’aventure avec les épisodes I, II et III en 1999, 2002 et 2005, avec un public toujours au rendez-vous.
Pour ma part, j’ai jamais vraiment accroché sur la série. Bon d’accord, il y a tout les ingrédients pour une épopée fantastique, avec un héro en formation, un vieux sage vert, une princesse, deux robots dans le rôle des fidèles compagnons, des sabres-lasers, des vaisseaux spatiaux et des planètes inconnues. Je reconnais aussi qu’il y a quelques scènes cultes et surtout une musique incroyable, avec des thèmes associés à chacun des personnages principaux qui reviennent comme des leitmotivs. Oui mais voilà, j’ai l’impression que le scénar un peu faiblard sert de prétexte pour des décors soi-disant fantastiques sur des planètes qui ressemblent étrangement aux déserts et aux banquises qu’on a déjà sur Terre, des créatures en caoutchouc ou en peluche plus moches les unes que les autres et des scènes de combats à rallonge sans grand intérêt.
J’ai quand-même regardé avec plus ou moins d’attention les six films pour tenter de décrypter le phénomène, en allant faire la vaisselle pendant les pubs, et là, j’ai trouvé les épisodes I, II et III plutôt mauvais, avec des images de synthèse qui font déjà vieillottes, des blagues plutôt nulles et peu d’action en fin de compte. Mais j’ai quand même kiffé la course de Pod-racers et Natalie Portman.
Les épisodes IV, V et VI m’ont paru beaucoup plus convaincants. J’ai adoré le jeune et naïf Luke Skywalker, qui a un peu la même gueule que Mick Jagger, Darth Vador avec son look SM et sa voix Daft Punk, et l’allure du film en général, avec ses effets spéciaux old school, ses vaisseaux au design carré, et l’histoire avec ses longueurs et ses scènes décalées. Bref, un côté brut et authentique qui donne un charme très rétro à la trilogie trente ans après sa sortie, d’où mon scepticisme face à la récente version remasterisée, qui suit à mon avis uniquement une logique commerciale, logique qui semble d’ailleurs au cœur du phénomène star wars, comme mes recherches sur le sujet semble le démontrer.


Une lecture historique des Star Wars serait à faire. Le design des vaisseaux diffèrent particulièrement entre les deux trilogies, reflet des trente années de changements esthétiques et technologiques qui les séparent. De la même manière, on passe des tout premiers ordinateurs carrés avec plein de boutons aux lignes fines et épurées des produits Apple.


Benoît Sabatier, journaliste à Technikart et spécialiste de la « culture jeune » s’est penché sur les conditions de production de la série pour mieux comprendre la genèse de la série culte. Petit plongeon dans les Seventies :
Michael Jackson cartonne alors dans les charts, et George Lucas a déjà réalisé un autre film à succès auprès des adolescents boutonneux : American Graffiti, un teenage movie d’inspiration sixties avec des grosses voitures et du Rock’n’roll. Vu que ça a bien marché, le réalisateur décide de pousser les choses encore plus loin en imaginant un film pour les plus jeunes, qui commencent eux aussi à avoir leur argent de poche.
Lucas : « American Graffiti s’adressait aux quinze-seize ans. Je me suis dit qu’on pourrait peut-être aussi faire un film distrayant pour les plus jeunes, ceux de dix-onze ans. A leur âge, nous avions les westerns, les films de pirates, d’aventure, etc. Eux, il ne leur restait plus que Disney, qui devenait peu à peu d’avantage marketing que cinéma. ».
Ce que Lucas ne dit pas ouvertement, c’est qu’il veut faire un Disney à sa manière. En gros, l’idée est de tourner un film pour 10 millions de dollars, mais grâce à un marketing savamment orchestré se faire une bonne marge sur des produits dérivés, qui occupaient jusqu’ici une place marginale dans l’industrie cinématographique. Le génie dévastateur de Lucas est d’en faire une pièce maîtresse de la culture moderne. Il parvient à convaincre la Fox de produire le premier épisode en acceptant un salaire minable mais des droits énormes sur les produits dérivés et les suites éventuelles. La Fox se frotte les mains : ces conneries-là, ça n’a jamais vraiment marché. Bingo ! C’est le Jackpot pour George.
Il faut reconnaître que Lucas a pris un risque énorme. Personne ne croît en son projet infantile, et le côté intergalactique est déjà largement passé de mode. Il s’en sort grâce à une campagne de pub très réussie. Deux millions de dollars, rien que ça, sont investis dans la promo. Et ça marche. Le public amassé à l’entrée des salles est littéralement hystérique. Six mois après sa sortie, le premier film a engendré 200 millions de bénéfices. Les jouets, livres, et autres t-shirts à l’effigie de maître Yoda et compagnie cartonnent.
Après Star Wars, on fera des films rien qu’en fonction du potentiel des figurines dérivées. On assiste à une période de régression. Le septième Art devient destiné avant tout aux ados. Hyper marketé, le cinéma devient teenager, pop dans le sens popcorn. C’est la même merde standardisée que les fast-foods, en plein essor à la même époque. Quick, c’est le goût, mais pas le bon.
John Milius, le scénariste d’Apocalypse Now, que devait tourner Lucas à l’origine, avoue « Lui et Spielberg apportèrent la preuve qu’il y avait énormément d’argent à se faire en transformant les cinémas en parc d’attractions ». Jurassic Park n’est pas loin. C’est Spielberg qui prend le relais, avec E.T. en 1982 (les extraterrestres marchent décidément bien auprès des jeunes) et Indiana Jones et le temple maudit de 1984, produit par devinez qui ? Lucas.
Et la technique d’oncle George s’applique encore aujourd’hui, avec un succès garanti à la clé, j’en donne pour preuve Avatar, sa promo en association avec Coca-Cola, ses jeux vidéo dérivés et ses 700 millions de dollars de bénéfice. Même la Poste française a tenté de surfer sur le succès du blockbuster en lançant un timbre à l’effigie du film en édition limitée. James Cameron n’a fait que remplacer les effets lasers par des lunettes 3D. Lucas et Cameron n’ont pourtant rien inventé avec leurs extraterrestres ou les films en trois dimensions, les premières projections grand public avec les mythiques lunettes vertes et rouges remontant aux années 50. Mais visiblement, les vieilles recettes pour un max de recettes de papy Georgie marchent toujours : miser sur la promo et l’attractif pour créer un buzz. C’est un peu comme un gâteau au chocolat, avec plein de beurre et de sucre. Les jeunes adorent. Et les moins jeunes.

Ainsi Star Wars annonce le début de l’ère du jeunisme, préfigure les pogs et Britney Spears. La culture jeune, contre l’establishment en ses débuts dans les années 50 avec un Elvis censuré pour son déhanché, est progressivement récupérée par le Mainstream pour finalement devenir une partie intégrante de la « grande » culture à laquelle elle était précisément opposée à la base. Lucas change le film en un produit de consommation pour jeune marketé et revendiqué en tant que tel. Les ados trouvent ça cool. Ils n’ont plus à chercher quelque chose à leur image d’un peu subversif comme le rock’n’roll ou les films de Scorsese. On les inonde de Luke Skywlaker, Princesse Leia et Han Solo du matin au soir, du paquet de céréale au pyjama à l’effigie des héros de la trilogie. Une sous-culture se forme, que les jeunes s’approprient au-delà des espérances des pourris d’Hollywood. La phrase œdipienne « Luke, je suis ton père » devient le symbole d’une génération et La guerre des étoiles devient un des mythes fondateurs de la culture geek, au même titre que Donjons et Dragons.


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