vendredi 26 octobre 2012

Laurence Anyways - Xavier Dolan


Quand tu te rends compte que les footballeurs sur le terrain commencent à être plus jeune que toi, tes rêves d'enfance en prenne un coup. Tu dois admettre que tu deviens vieux, et que tu ne gagneras jamais la coupe du monde. Trop tard, c'est foutu. Fallait moins jouer à la console le mercredi après-midi.



Là, pour le coup, ça m'a fait la même chose avec le cinéma : à 23 ans, Xavier Dolan sort son 3ème film alors que je cire encore les bancs d'une école d'art, avec résolument aucun avenir devant moi. Bon, tu me diras, c'est facile pour lui, avec un papa acteur qui le fait jouer des pubs alors qu'il suçait encore son pouce, le mec est tombé dedans quand il était petit. Et mine de rien, il a aussi la chance d'être né au Québec. Parce que Dolan a beau râler comme quoi son premier film (J'ai tué ma mère) n'a pas été tout de suite financé par la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles du Québec), il a quand même eu la chance au bout du compte de se faire gracieusement payer son film par l'Etat, ce qui serait bien plus difficilement envisageable en Europe ou aux USA.
Alors oui, Xavier Dolan a eu du cul (il en faut toujours un peu), mais ça n'enlève rien a son talent. Encensé par la critique, il n'est pas la coqueluche de Cannes pour rien ! Même si ceux qui crient au génie vont un peu vite en besogne.
Pour moi, Dolan est juste un gamin doué, le reflet de la génération Y, capable de se faire une culture cinématographique extraordinaire en un rien de temps grâce aux bienfaits du téléchargement illégal.
Le garçon a du mérite. Il déclare ainsi que c'est Mort à Venise (Visconti, 1971) qui lui a donné envie de se lancer dans le cinéma, alors que c'est quand même un des films les plus chiants de toute l'histoire du 7ème art.
Pourtant, malgré certaines références un peu ronflantes (Wong Kar Wai notamment), les films de Dolan sont loin d'être ennuyants. Au contraire, Dolan semble habilement tirer les leçons des grands maîtres du cinéma pour développer un style personnel et poétique, s'égarant volontairement en cours de route, s'emportant parfois dans des élans surréalistes, proposant volontiers des innovations formelles, le tout avec une étonnante facilité.
Cela étant dit, Laurence Anyways (le sujet de notre article à la base) me laisse quand même sur ma faim. L'histoire nous réserve quelques moments magiques mais, au bout de deux heures, finit par tourner en rond. Plutôt que de creuser la psychologie des personnages, Dolan se contente de survoler la question et préfère nous en mettre plein la vue avec des décors particulièrement soignés.
Le problème réside peut-être ici : formellement, c'est génial, mais sur le fond, ça sonne un peu creux, sauf pour les dialogues, qui révèlent un grand sens de l'écriture.
Et même si les critiques parleront sans doute du film de la maturité, à mon avis ses deux précédents longs-métrages étaient tout aussi aboutis. Tous trois parlent d'amour à leur manière, dans tout ce que celui-ci peut avoir d'idiot et de monstrueux. Et c'est là la véritable trouvaille de Dolan. Alors qu'Hollywood continue de produire des films violents et gratuits, l'avant-garde est plutôt à chercher du côté amoureux.
Avis aux amateurs, salut !

dimanche 12 août 2012

Festival del film Locarno 2012


Chaque année en Août, la jolie ville de Locarno revêtit son plus bel ensemble léopard pour accueillir comme il se doit le festival del film.
Comme deux ans auparavant, votre intrépide chroniqueur s'est rendu sur la Piazza grande pour caresser de plus près le pelage d'un fauve tantôt docile, tantôt sauvage.

Laissons de côté le concours international (sorte de remake de Cannes), les stars montées sur tapis rouge (c'est bon pour l'image des sponsors), et les divers hommages aux grands noms du cinéma (Otto Preminger, Chris Marker) pour mieux nous concentrer sur ce qui constitue selon moi le véritable enjeu de ce festival tourné vers l'avenir : la section Pardi di domani, qui offre la possibilité à de jeunes pousses cinéphiles de venir s'épanouir sous le soleil Locarnesque en y présentant leurs premiers courts et moyens métrages. L'occasion pour le public de découvrir des futurs talents issus pour la plupart d'écoles d'art suisses pour ce qui concerne le concours national.


Mais autant vous dire tout de suite que si la perspective d'un tel programme faisait saliver votre humble chroniqueur toujours gourmand en avant-garde, le résultat n'a pas toujours été à mon goût, loin de là.
Là où j'attendais de la fraîcheur, de l'originalité, des prises de risques pour découvrir des nouvelles saveurs, je me suis trop souvent retrouvé face à une assiette froide et insipide avec un arrière-goût de déjà-vu.
Certes, les cinéastes en herbe connaissent leur affaire en terme d'image et de prise de vue, avec des mises en scène et des cadrages qui n'ont rien à envier aux pros. Mais c'est le fond, ou plutôt son absence qui pose problème. En effet, la jeune génération paraît muette, tant elle n'a visiblement rien à dire. On nous sert ainsi des navets endormants à souhait aux allures de telenovelas (On the Beach) ou d'ersatz de nouvelle vague (Les Ambassadeurs), quand il ne s'agit pas de fantaisies symbolistes contemplatives pompeuses et sans queue ni tête (Iamina). Bref, à peine sorti de l’œuf, la majorité de ces nouveaux auteurs semblent déjà périmés.

Tout n'est pas à jeter pour autant, mais on regrette vraiment le conformisme ambiant, le manque de rythme et l'écriture bâclée.

Pas chez tout le monde. Car un jeune homme vient contrebalancer mes propos. Peut-être parce qu'il sort tout juste de l'hôpital psychiatrique, il a ce grain de folie si rare dans cette sélection. Mais il ne se prend pas le chou pour autant. Au contraire, il nous raconte ses problèmes psychologiques sur un ton simple, drôle et touchant. Le sien.
Et ça marche. L'image à beau par moments être tournée avec un téléphone portable, on est pris dans l'histoire de Nathan Hofstetter, ce radio-actif accro à la télé et aux ondes FM, qui dans ses délires pousse un peu trop loin l'identification au personnage, jusqu'à confondre réalité et fiction.

Face à la caméra, comme de coutume dans les émissions de télé-réalité, Nathan nous décrit son talon d'Achille à travers les extraits de son journal. Entre les lignes, on déchiffre peu à peu le personnage, qui retourne sur les lieux marquants de son trouble pour une mise au point sur les zones de flou.

Bien entendu, ses détracteurs clameront que c'est un film égocentrique. Et ils auront raison. Mais, comme me l'a dit une fois Christian Michel, éminent professeur d'histoire de l'art à l'université de Lausanne, être mégalo, c'est le propre de l'artiste. Et avec ce film, justement récompensé par un léopardeau d'or, Nathan en devient un.
Dans une entreprise courageuse et pleine de générosité, le cinéaste parvient à se dévoiler sans pour autant être impudique, et surtout à nous émouvoir tout en rejettant toute condescendance, en faisant preuve de beaucoup de recul et d'une économie de moyen stupéfiante.

Alors, les jeunes réalisateurs suisses feraient bien d'en prendre de la graine, car il y a plus d'une leçon à tirer de ces 27 minutes de film sincère d'un mec tellement dévoré par sa passion qu'il en a perdu la raison.

mercredi 7 mars 2012

Tom Dale - Formal Pleasure


Le centre d’art de Neuchatel (CAN) accueille l’artiste britannique Tom Dale du 11 février au 1er avril 2012. Au menu : des œuvres ludiques et parfois réalisées spécialement pour l’exposition, allant de la vidéo à l’installation en passant par le montage photo.



Surtout connu pour ses grands tremplins tordus, laissant présager des sacrées gamelles plutôt que des belles cascades, Tom Dale porte un regard sarcastique sur notre société toujours en quête de spectaculaire. Tom est aussi l’auteur de petites vidéos, comme celle dans laquelle il joue de la batterie à coups de fusils (ici).


Dans Formal Pleasure, on passe devant des photos de pavillons de banlieue tristounets sans tout de suite remarquer les incohérences de la composition, pourtant flagrantes, dues à de subtiles retouches d’images qui font se mêler façade et paysage. A l’entrée, des fusées de feux d’artifice coulées dans le béton donnent le ton de l'expo: il ne sert à rien de lutter contre la gravité (de la situation): Tom Dale nous remet sans cesse les pieds sur terre.
Dans une autre pièce, on découvre une carcasse de voiture dont les fenêtres brisées ont été remplacées par de charmants rideaux à frange dorés, qui font très déco de Noël : en fait, il s’agit de couvertures de survie découpées. Et la parure de fête souligne tout autant qu'elle masque l'horreur de l'accident. Dans le même ordre d’idée, un immense tapis rouge garde les profondes traces géométriques du poids d’un lance-missile, rappelant que la guerre est avant tout une question de mise en scène.
Mais l’œuvre la plus marquante de l’expo demeure sans aucun doute ce grandiose château gonflable en faux cuir, ironiquement intitulé Department of the interior, dont la noirceur transforme l’attraction enfantine en manoir hanté. Le textile brillant évoque également le fétichisme, une forme d’amusement pourtant habituellement réservée aux adultes. Mais malgré la tentation de se jeter dans la gueule du loup, vous serez prévenus : interdiction d’y sauter !