Comme tout le monde, tu as
d'abord lu l'histoire dans les médias. Ça te paraissait tellement énorme que tu as cru
à un fake. Alors, tu t'es un peu
renseigné, tu as écouté un ou deux morceaux sur youtube, et tu es tombé à la
renverse. Depuis, tu as vu le film, et, comme tout le monde, tu te pose
inlassablement la même question : comment a-t-on pu ignorer Sixto Rodriguez
pendant près de 40 ans?
C'est
un documentaire. Un film de détective. Une histoire vraie qui commence dans les
sixties. Celle de Sixto Rodriguez, un fils d'immigrant mexicain qui tente de
survivre dans les rues de Detroit. D'un type qui bosse dur sur les chantiers et
qui gratouille quelques chansons sans prétention sur l'infamie humaine le soir avant
d'aller se coucher. Ce qui l'amène à jouer dans les bistrots miteux de
banlieue. Or, il se trouve que le gaillard a du talent. Il se fait repérer par
un producteur et sort un album qui vient des tripes. Mais c'est là que le bât
blesse. La success story se fait vite
rattraper par la dure réalité. Malgré de bonnes critiques, Sixto ne vendra même
pas une demi-douzaine de disques. Même raté pour son second album. Son label le
lâche avant Noël, et Sixto retourne travailler comme il l'a toujours fait, sans
en vouloir à personne.
L'histoire
aurait pu s'arrêter là si un des maudits disques n'avait pas miraculeusement atterrit
en Afrique du Sud. Un type fait alors écouter à un autre type, qui commande
l'album à son disquaire. C'est l'effet boule de neige. Malgré la censure, les
chansons anti-etablishment de Sixto Rodriguez deviennent les hymnes de la lutte
anti-apartheid.
Un
seul bémol : Rodriguez n'est pas mis au courant. Coincé à Detroit, il continue
à déménager consciencieusement des frigos. Disque d'or sans le savoir, il ne
touchera jamais un centime sur la vente de ses disques en Afrique.
Et
puis, la happy end arrive enfin, 40
ans après. Elle ne tenait pourtant à pas grand chose. Un article, un site web,
un coup de fil. Quelques types un peu fous qui se sont mis en tête de retrouver
la trace d'une légende qu'on croyait morte depuis longtemps. Et qu'ils ont fini
par ressuciter. On lui apprend pour l'Afrique du Sud. Une tournée là-bas
s'organise. La foule se rue pour assister à la résurrection de leur idole. Pour
eux, c'est un peu comme si Elvis réapparaissait. Rodriguo de son côté a l'air plutôt
content. Il reste étonnement calme, garde les idées claires, savoure l'instant.
Noble et humble jusqu'au bout. Et à la fin du voyage, Sixto retourne dans son
appart miteux de Detroit, reversant la plupart de l'argent de la tournée à ses
proches.
La
suite est assez simple. Malik Bendjelloul a vent de l'histoire et se dit que ça
ferait un bon film. Il décide de tout claquer pour se lancer dans l'aventure.
Et avec peu de moyens et beaucoup de travail, il finit par sortir Searching for Sugar Man, qui permet au
reste de la planète de découvrir Rodriguez.
Après
une heure de film sous forme d'enquête policière, Sixto apparaît enfin à
l'écran, plus mystérieux que jamais. Nous voilà face à la légende, sugar man. Un type en or, resté fidèle à
lui-même, qu'on découvre père de famille et engagé en politique. On le voit
marcher dans la neige, il manque de tomber plusieurs fois, mais il tient bon.
Il en a vu d'autres. Il est habillé tout en noir, et il porte des lunettes de
soleil même en hiver, comme sur les photos d'archives.
En
vérité, difficile de lire se qui se trame derrière ses lunettes noires. Mais
Sixto semble voir plus loin que les autres.
Mine
de rien, à travers deux ou trois morceaux, ce grand type aux allures de chamane de caniveau a réussi à transformer la misère noire de sa jeunesse en quelque chose de beau. Alors, tu te dis qu'à y voir de plus près, ça ne ferait pas vraiment sens de sortir un nouvel album : tout est déjà là,
dans ces deux vieux disques ratés. Ne reste plus qu'à les écouter.
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