mercredi 31 mars 2010

Alice au pays des merveilles – Tim Burton


On l’attendait au tournant, la voici : l’adaptation baroque du célèbre conte de Lewis Carroll par l’excessif Tim Burton, qui nous plonge dans un univers féérique un peu gâché par un scénario standardisé aux normes hollywoodiennes.

Burton et Alice, c’est un peu comme Godzilla vs King Kong, un monstre qui s’attaque à un autre. Deux imaginaires tout puissants qui se retrouvent confrontés. Dès lors, pas étonnant que le combat attire l’attention des foules, ne serait-ce que par curiosité. Mais au gong final, nul n’en sort vraiment épargné, après avoir frisé le pire et côtoyé le meilleur. Comme c’était déjà le cas avec Charlie et la chocolaterie, autre classique de la littérature enfantine britannique adapté par le réalisateur, on attend beaucoup du film et on en ressort un peu déçu. On voulait que ça pétille et on n’a droit qu’à une version édulcorée. Un ersatz de fantaisie dont le film s’était fait l’ambition.


A la manière de la reine rouge, Burton semble avoir pris la grosse tête. Qu’on lui la coupe ! Car le film est beaucoup trop réfléchi pour être le rêve miraculeux d’une petite fille débordante d’imagination. Pire, on tombe très vite dans une basique lutte entre le bien et le mal, avec des courses-poursuites et des combats qui donnent un aspect très violent, qui plus est renforcé par la 3D, à une histoire plutôt destinée aux enfants : on sort du rêve pour sombrer dans un cauchemar sans grand intérêt. Ajouter à cela un Johnny Depp (mais est-ce vraiment lui ?) qu’on a rarement connu aussi peu convainquant, et une bande originale élargie avec Avril Lavigne et Tokyo Hotel, et on est en droit de penser que ce sacré Tim cherche à nous refourguer un navet à fort potentiel commercial auprès des adolescents juvéniles. Le label « Alice » n’est plus qu’une garantie de revenus, une valeur sûre régulièrement ressortie du placard qu’il ne s’approprie pas assez (Alice au pays des merveilles a connu passablement d’adaptations cinématographiques, notamment le dessin-animé de 1951 des studios Disney, où Burton a d’ailleurs fait ses débuts dans le métier en dessinant les planches de Rox et Rouky, ainsi que la première version de 1903 et ses trucages à la Georges Meliès, vénérables ancêtres des effets spéciaux). Un film qui rapportera des pépettes à n’en pas douter, mais plus difficilement un oscar.
Pourtant, tout n’est pas à jeter, loin de là. On peut apprécier plusieurs scènes délirantes dans des décors magiques, des personnages loufoques, avec des têtes immenses, des tocs étranges ou des gestes exagérément maniérés. La capacité du cinéaste à créer une atmosphère particulière demeure fascinante. Mais passé ces moments d’extase, on retombe dans des clichés hollywoodiens et autres lieux communs inintéressants au possible, en suivant une trame narrative beaucoup trop linéaire.

Le mythe du génie bafoué nous pousse à croire que les méchants producteurs hollywoodiens ont bridé la créativité de Tim Burton pour livrer un film classique et réducteur, à moins que le réalisateur à l’esthétique expressionniste si particulière (Edouard aux mains d’argent, Batman, Sleepy Hollow), dont les dessins et études préparatoires sont actuellement élevées au rang d’œuvres d’art puisque exposées au MoMA de New-York, ne se soit petit à petit fait bouffer par le système et aie adopté sans s’en rendre compte une méthode de travail plus mainstream. En tout cas, les fameuses lunettes 3D produisent paradoxalement plus d’effet sur le spectateur que la truculente absurdité philosophique du récit original. Dommage.

jeudi 25 mars 2010

Shutter Island - Martin Scorsese


Le cinéaste aux allures de vieux mafioso New-yorkais nous démontre une nouvelle fois qu’il sait y faire en matière de films policier, avec Shutter Island, un thriller psychologique de premier ordre.

Teddy Daniels (Leonardo Di Caprio) est envoyé sur une île isolée au large de Boston qui abrite un asile psychiatrique pour enquêter sur une étrange disparition. Mais le jeune détective est forcé de se plier au règlement interne et se retrouve bien vite avec de nombreux bâtons dans les roues. On sent dès le départ que tout n’est pas très net sur cette île et notamment dans le bloc C, ancien fort interdit d’accès où sont enfermés les malades les plus dangereux… L’île se transforme en parfaite dystopie.


En adaptant un roman de Dennis Lehane, Scorsese n’avait pas le droit à l’erreur puisque la plume de l’écrivain avait déjà fait ses preuves à l’écran avec Mystic River, mis en images par Clint Eastwood en 2002. Ce nouveau best-seller offrait cependant une intrigue plus complexe, avec de nombreux rebondissements et une surprise finale qui convient parfaitement bien au médium cinématographique, idéal pour donner vie aux fantômes et autres mondes parallèles. Encore fallait-il une patte de maître pour le mettre en scène, et c’est chose faite en la personne de Scorsese qui semble bel et bien avoir retrouvé la main depuis les Inflitrés après un petit passage à vide (Gangs of New York, Aviator). En effet, le cinéaste apporte la profondeur psychologique qu’on lui connaissait depuis Taxi Driver et une dimension onirique plus étonnante de sa part, deux éléments trop souvent bâclés dans ce genre de grosses productions hollywoodiennes. Une musique grinçante vient habilement souligner l’action et déranger le spectateur trop bien assis dans son fauteuil. Quant à Di Caprio, il s’en sort plutôt bien, et apparait au fil du temps comme le nouvel acteur fétiche de Scorsese, après Robert de Niro.

L’île des morts de Arnold Böcklin semble avoir passablement inspiré Scorsese pour son film. Dans les deux œuvres, une île mystérieuse entourée de falaises sert de décor. Le tableau de l’artiste symboliste allemand aurait été commandé par une femme qui n’arrivait pas à faire le deuil de son mari, pour qu’elle puisse enfin le laisser rejoindre « l’île des morts ». Or, le personnage principal du film est justement hanté par le spectre de sa défunte femme dont il n’arrive pas à se défaire. De plus, celui-ci revient d’Europe où il a participé à la libération de camps de concentration, et il se trouve que, de l’autre côté, la toile aurait appartenu à Adolf Hitler. Intriguant.

La psychose qui entoure le personnage principal n’est certes pas très innovante (Fight Club, The Machinist, Donnie Darko), mais fonctionne toujours aussi bien à l’écran. On ne sait plus qui croire, y compris le film lui-même. La thématique de l’enfermement se révèle peut-être plus percutante, avec un double isolement (une île inaccessible et un hôpital qui a tout d’une prison) en un endroit qui n’obéit plus tout à fait aux règles si chères à la démocratie américaine, une sorte de Guantanamo fictif en somme. À noter également que l’action se déroule dans les années 50, époque des fameuses lobotomies, thème lui-aussi éculé mais fascinant (Vol au dessus d’un nid de coucou, Titticut Follies). On a enfin un personnage hanté par son expérience lors de la seconde Guerre Mondiale à coups de flash-back où l’on aperçoit des camps de concentration et des SS à l’agonie. On remarque au passage que les nazis sont définitivement à la mode au cinéma (La rafle, Valkyrie, The Reader, Inglorious Basterds, OSS 117).

On l’a dit, Shutter Island relève un tantinet du déjà-vu, mais n’en reste pas moins un grand film à l’atmosphère prenante dont la fin donnerait presque envie de revoir le film pour mieux en apprécier tout les détails sous un œil nouveau.

vendredi 19 mars 2010

The Ghost Writer – Roman Polanski


A défaut de pouvoir sortir de prison, Polanski sort un film : The Ghost Writer. L’occasion pour le cinéaste de faire parler de lui autrement que par son procès, avec un thriller sombre et palpitant qui vaut le détour.



C’est l’histoire d’un écrivain mort dans d’étranges conditions alors qu’il était chargé d’écrire la biographie d’un ministre britannique. Ou plutôt c’est l’histoire de son fantôme, dont l’ombre plane sur le nègre engagé pour le remplacer. C’est aussi l’histoire d’une île isolée où il pleut tout le temps. C’est une histoire d’une vieille photo, d’un numéro de téléphone, d’un complot politique, d’une promenade dans les dunes, de la lumière d’un phare qui tournoie dans le noir et d’un manuscrit qui détient la clé du mystère. Les ingrédients parfaits pour un thriller classique, genre que Polanski sublime par sa noirceur, une pointe d’ironie et une certaine poésie.
Au casting, Ewan McGregor est excellent en écrivain doué du flegme britannique, même si on le préfère dans des rôles plus « rock » (Trainspotting, Petit meurtre entre amis, Velvet Goldmine), tandis que le costume de politicien véreux grisonnant sied presque aussi bien à Pierce Brosnan que celui plus flatteur de James Bond.
Plongé au cœur d’un conflit politique malgré lui, le personnage principal, un « ghost writer » joué par McGregor, est appelé à prendre la place de son prédécesseur pour éclaircir le mystère qui entoure sa mort et le passé du ministre dont il doit écrire la biographie.
Le scénario s’en prend aux magouilles politiques, à la CIA et à la lutte anti-terrorisme. Normal me direz-vous pour un mec persécuté par la justice américaine depuis plus de trente ans. Oui mais voilà, plus que de dénoncer les abus des USA, Polanski rend aussi hommage à une certaine culture américaine, celle des films noirs hollywoodiens des années 30, d’où son film semble largement inspiré. On sent également que l’œuvre est adaptée d’un livre, avec une atmosphère sombre et chargée d’humidité qui fait très roman policier et qui se condense parfois à l’écran en quelques plans magistraux. C’est d’ailleurs surtout cette impression oppressante d’un personnage de plus en plus pris dans un piège dont il ne comprend pas tous les mécanismes qui frappe le spectateur, que Polanski embarque sur un bateau à travers la brume vers des terres sauvages à la quête d’un passé mystérieux. On se laisse engloutir par ce film à l’intrigue coriace, pour en ressortir plongé dans nos réflexions à la suite de la révélation finale.

Finalement, Polanski trouve en ce film un bien meilleur défenseur que le pathétique Yann Moix (joliment démonté chez Ruquier ici). L’auteur s’essaie à un genre éculé sans tomber dans le déjà vu, ni vraiment sombrer dans la théorie du complot. Par The Ghost Writer, Polanski confirme qu’il est avant tout un grand réalisateur.

A voir : The Ghost Writer de Roman Polanski, ainsi que l’intégrale de son œuvre actuellement diffusée à la cinémathèque suisse.

mardi 16 mars 2010

Black Rebel Motorcycle Club – Beat The Devil’s Tattoo


Vroum vroum ! Les motards noirs et rebelles sortent une nouvelle fois du garage pour nous emmener dans un road-trip aux relents de whisky et d’huile de moteur.



Cette huitième galette du groupe laissait poindre chez moi un brin d’appréhension étant donné le sale bruit de moteur enrayé et l’épaisse fumée qui se dégageait de l’album précédent, The Effects Of 333, dérive abstraite à moitié diabolique qui mériterait sérieusement d’être révisé. On avait frôlé l’accident, mais voilà à nouveau la machine en marche avec Beat The Devil’s Tattoo, qui contient un nouveau tigre dans son moteur en la personne de Leah Shapiro, une fille qui vient remplacer avantageusement le batteur originel, plus souvent en cure de désintox’ qu’en tournée. Une fois enfilé son blouson en cuir, la belle vous envoie des rythmes abasourdissant en pleine gueule, sans jamais trop en faire, et laisse même entendre sa douce voix quelques instants sur The Troll. Bonne surprise.
Après un démarrage sûr et maîtrisé avec le tube folk Beat The Devil’s Tattoo, la machine s’emballe avec un Conscience Killer pop et psychédélique enivrant. S’en suit un parcours quasi sans faute sur une route sombre et sinueuse (War Machine, Aya), avec quelques détours pour des ballades aux décors planants (Sweet Feeling, Evol, The Troll). Les BRMC déroulent à fond la caisse, ce qui les obligent à quelques coups de freins intempestifs, changements de rythmes inattendus qui laissent entrevoir la structure compliquée de certains morceaux.
Les textes parlent d’amour, de guerre et de sang ; thèmes raciniens auxquels s’ajoutent parfois une dimension mystique, mélange d’influences gospel et de paganisme personnel. La voix caverneuse de Peter Hayes s’emmêle admirablement bien avec les guitares supersoniques et crasseuses propulsées au rythme sauvage d’une batterie sans chichi. Les BRMC on définitivement vendus leur âme au Rock’n’roll. La pureté et la puissance qui se dégage de leur album conserve cependant quelque chose de profondément transcendantal. La rédemption arrive par les quelques notes de pianos sur certains morceaux (Long Way Down) qui parviendraient presque à apaiser la colère des dieux.

Bref, un grand album dont on regrettera seulement l’absence de tube du même acabit que Whatever Happened To My Rock’n’Roll, Ain’t No Easy Way ou Spread Your Love, qui confinent au génie.

À écouter : Beat The Devil’s Tattoo de The Black Rebel Motorcycle club, disponible depuis mars 2010.

lundi 8 mars 2010

Star Wars


M6 diffuse pour la première fois en France l’intégralité de la mythique série de George Lucas. Décryptage du phénomène devenu un monument de la culture geek.

Tout commence en 1977, avec la sortie du premier film de la trilogie originale, l’épisode IV : un nouvel espoir. Ambitieux, George Lucas avait imaginé une série de six films se déroulant dans le même univers, un peu à la manière de Tolkien et sa Terre du Milieu. Mais le célèbre cinéaste choisit de réaliser en premier lieu le 4ème opus dans la chronologie du récit, qui met directement en scène les deux personnages principaux, Luke Skywalker et Darth Vador, symboles du combat entre le bien et le mal auquel la série peut se résumer. Car au fond, il s’agit d’une banale histoire de cape et d’épée transposée dans un univers futuriste très SF, genre déjà démodé à l’époque (dix ans avant, on avait déjà eu le premier homme sur la lune et 2001 l’odyssée de l’espace). Mais contre toute attente, le film remporte un immense succès qui ne se démentira pas par la suite, avec l’Empire contre attaque en 1980 et Le retour du Jedi en 1983.
Il faudra ensuite attendre la fin du siècle et les débuts de l’ère du numérique pour enfin découvrir le commencement de l’aventure avec les épisodes I, II et III en 1999, 2002 et 2005, avec un public toujours au rendez-vous.
Pour ma part, j’ai jamais vraiment accroché sur la série. Bon d’accord, il y a tout les ingrédients pour une épopée fantastique, avec un héro en formation, un vieux sage vert, une princesse, deux robots dans le rôle des fidèles compagnons, des sabres-lasers, des vaisseaux spatiaux et des planètes inconnues. Je reconnais aussi qu’il y a quelques scènes cultes et surtout une musique incroyable, avec des thèmes associés à chacun des personnages principaux qui reviennent comme des leitmotivs. Oui mais voilà, j’ai l’impression que le scénar un peu faiblard sert de prétexte pour des décors soi-disant fantastiques sur des planètes qui ressemblent étrangement aux déserts et aux banquises qu’on a déjà sur Terre, des créatures en caoutchouc ou en peluche plus moches les unes que les autres et des scènes de combats à rallonge sans grand intérêt.
J’ai quand-même regardé avec plus ou moins d’attention les six films pour tenter de décrypter le phénomène, en allant faire la vaisselle pendant les pubs, et là, j’ai trouvé les épisodes I, II et III plutôt mauvais, avec des images de synthèse qui font déjà vieillottes, des blagues plutôt nulles et peu d’action en fin de compte. Mais j’ai quand même kiffé la course de Pod-racers et Natalie Portman.
Les épisodes IV, V et VI m’ont paru beaucoup plus convaincants. J’ai adoré le jeune et naïf Luke Skywalker, qui a un peu la même gueule que Mick Jagger, Darth Vador avec son look SM et sa voix Daft Punk, et l’allure du film en général, avec ses effets spéciaux old school, ses vaisseaux au design carré, et l’histoire avec ses longueurs et ses scènes décalées. Bref, un côté brut et authentique qui donne un charme très rétro à la trilogie trente ans après sa sortie, d’où mon scepticisme face à la récente version remasterisée, qui suit à mon avis uniquement une logique commerciale, logique qui semble d’ailleurs au cœur du phénomène star wars, comme mes recherches sur le sujet semble le démontrer.


Une lecture historique des Star Wars serait à faire. Le design des vaisseaux diffèrent particulièrement entre les deux trilogies, reflet des trente années de changements esthétiques et technologiques qui les séparent. De la même manière, on passe des tout premiers ordinateurs carrés avec plein de boutons aux lignes fines et épurées des produits Apple.


Benoît Sabatier, journaliste à Technikart et spécialiste de la « culture jeune » s’est penché sur les conditions de production de la série pour mieux comprendre la genèse de la série culte. Petit plongeon dans les Seventies :
Michael Jackson cartonne alors dans les charts, et George Lucas a déjà réalisé un autre film à succès auprès des adolescents boutonneux : American Graffiti, un teenage movie d’inspiration sixties avec des grosses voitures et du Rock’n’roll. Vu que ça a bien marché, le réalisateur décide de pousser les choses encore plus loin en imaginant un film pour les plus jeunes, qui commencent eux aussi à avoir leur argent de poche.
Lucas : « American Graffiti s’adressait aux quinze-seize ans. Je me suis dit qu’on pourrait peut-être aussi faire un film distrayant pour les plus jeunes, ceux de dix-onze ans. A leur âge, nous avions les westerns, les films de pirates, d’aventure, etc. Eux, il ne leur restait plus que Disney, qui devenait peu à peu d’avantage marketing que cinéma. ».
Ce que Lucas ne dit pas ouvertement, c’est qu’il veut faire un Disney à sa manière. En gros, l’idée est de tourner un film pour 10 millions de dollars, mais grâce à un marketing savamment orchestré se faire une bonne marge sur des produits dérivés, qui occupaient jusqu’ici une place marginale dans l’industrie cinématographique. Le génie dévastateur de Lucas est d’en faire une pièce maîtresse de la culture moderne. Il parvient à convaincre la Fox de produire le premier épisode en acceptant un salaire minable mais des droits énormes sur les produits dérivés et les suites éventuelles. La Fox se frotte les mains : ces conneries-là, ça n’a jamais vraiment marché. Bingo ! C’est le Jackpot pour George.
Il faut reconnaître que Lucas a pris un risque énorme. Personne ne croît en son projet infantile, et le côté intergalactique est déjà largement passé de mode. Il s’en sort grâce à une campagne de pub très réussie. Deux millions de dollars, rien que ça, sont investis dans la promo. Et ça marche. Le public amassé à l’entrée des salles est littéralement hystérique. Six mois après sa sortie, le premier film a engendré 200 millions de bénéfices. Les jouets, livres, et autres t-shirts à l’effigie de maître Yoda et compagnie cartonnent.
Après Star Wars, on fera des films rien qu’en fonction du potentiel des figurines dérivées. On assiste à une période de régression. Le septième Art devient destiné avant tout aux ados. Hyper marketé, le cinéma devient teenager, pop dans le sens popcorn. C’est la même merde standardisée que les fast-foods, en plein essor à la même époque. Quick, c’est le goût, mais pas le bon.
John Milius, le scénariste d’Apocalypse Now, que devait tourner Lucas à l’origine, avoue « Lui et Spielberg apportèrent la preuve qu’il y avait énormément d’argent à se faire en transformant les cinémas en parc d’attractions ». Jurassic Park n’est pas loin. C’est Spielberg qui prend le relais, avec E.T. en 1982 (les extraterrestres marchent décidément bien auprès des jeunes) et Indiana Jones et le temple maudit de 1984, produit par devinez qui ? Lucas.
Et la technique d’oncle George s’applique encore aujourd’hui, avec un succès garanti à la clé, j’en donne pour preuve Avatar, sa promo en association avec Coca-Cola, ses jeux vidéo dérivés et ses 700 millions de dollars de bénéfice. Même la Poste française a tenté de surfer sur le succès du blockbuster en lançant un timbre à l’effigie du film en édition limitée. James Cameron n’a fait que remplacer les effets lasers par des lunettes 3D. Lucas et Cameron n’ont pourtant rien inventé avec leurs extraterrestres ou les films en trois dimensions, les premières projections grand public avec les mythiques lunettes vertes et rouges remontant aux années 50. Mais visiblement, les vieilles recettes pour un max de recettes de papy Georgie marchent toujours : miser sur la promo et l’attractif pour créer un buzz. C’est un peu comme un gâteau au chocolat, avec plein de beurre et de sucre. Les jeunes adorent. Et les moins jeunes.

Ainsi Star Wars annonce le début de l’ère du jeunisme, préfigure les pogs et Britney Spears. La culture jeune, contre l’establishment en ses débuts dans les années 50 avec un Elvis censuré pour son déhanché, est progressivement récupérée par le Mainstream pour finalement devenir une partie intégrante de la « grande » culture à laquelle elle était précisément opposée à la base. Lucas change le film en un produit de consommation pour jeune marketé et revendiqué en tant que tel. Les ados trouvent ça cool. Ils n’ont plus à chercher quelque chose à leur image d’un peu subversif comme le rock’n’roll ou les films de Scorsese. On les inonde de Luke Skywlaker, Princesse Leia et Han Solo du matin au soir, du paquet de céréale au pyjama à l’effigie des héros de la trilogie. Une sous-culture se forme, que les jeunes s’approprient au-delà des espérances des pourris d’Hollywood. La phrase œdipienne « Luke, je suis ton père » devient le symbole d’une génération et La guerre des étoiles devient un des mythes fondateurs de la culture geek, au même titre que Donjons et Dragons.


lundi 15 février 2010

Gainsbourg, vie héroïque


Bien que le titre me fasse tiquer, je suis allé voir le nouveau biopic sur Gainsbourg. C’est vrai quoi, Gainsbourg, une vie héroïque ? Pas convaincu. Rappelons quand même qu’on parle d’un peintre raté à la vie sentimentale et familiale plutôt chaotique, qui ne sait pas conduire mais qui fume comme un pompier et boit comme un curé pour oublier qu’il est compositeur de chansonnettes un tantinet vulgaire, une musique populaire qu’il considère comme un art mineur, rien de plus. Quand aux coups d’éclats comme l’épisode Whitney Houston ou le billet cramé, c’est rien d’autre que de la frime, du flambe pour cacher sa timidité maladive.
Mais il est vrai que plus qu’un héros, Lucien Ginsburg de son vrai nom s’est créé un mythe qui fait fantasmer encore aujourd’hui. Celui du type fascinant qui se tape Brigitte Bardot et compose les deux tubes que sont Bonnie & Clyde et Je t’aime moi non plus dans la même nuit, excusez du peu. Un personnage habité et dalinien, avec ce frère mort-né qu’il est venu remplacer. C’est justement ce que le film de Joann Sfar met en avant, en créant à un Michel Elmosnino très ressemblant un double en papier-mâché qui suit partout notre héros version Bukowski, le poussant comme un mauvais diable vers le succès et la célébrité. Un Gainsbarre-toi dont Serge n’arrive pas à se débarrasser, qui le suit comme une ombre et qui prend la forme d’une caricature de l’image que l’artiste s’est construite, avec un nez qui n’a rien à envier à Pinocchio, et la grosse tête parfois.


On se retrouve ainsi plongé dans l’univers fantastique très bande-dessinée du réalisateur, également auteur de comic strip, avec un Gainsbourg rêvé et des effets à la Michel Gondry, dans la veine du poétique I’m not there sur Bob Dylan, qui contraste avec les biographies classiques sur Johnny Cash, Edith Piaf et autres Ray Charles auxquelles ont étaient habitués. Et si on a du mal à entrer dans l’atmosphère du Paris occupé vu par les yeux d’un gamin juif un peu trop imaginatif, on se laisse vite charmer par l’ambiance paillette des clubs travestis de ses débuts difficiles dans les piano-bars. Puis la rencontre avec Boris Vian (interprété par Philippe Katerine), Juliette Greco et les autres. A ce titre, l’entrée en scène de France Gall, en stupide poupée de cire très fille à papa qui va chanter les sucettes sans comprendre est un petit bijou d’ironie. On retiendra aussi la performance de Laetitia Casta en Brigitte Bardot, avec le même air cruche, mais beaucoup moins celle de la regrettée Lucie Gordon en Jane Birkin, dont l’accent britannique ne m’a pas convaincu.
Et quel plaisir de mettre cet univers merveilleux en musique avec des chansons qui semblent chantées directement par les acteurs, un peu à la manière d’une comédie musicale, qui n’est pas sans rappeler across the universe, romance où les interprètes passent leur temps à chanter les Beatles.


Un film à voir pour découvrir en image les plus belles frasques de ce personnage de génie tout en excès, pour autant qu’on ne soit pas un puriste inconditionnel de l’artiste. Car comme le dit l’auteur : "J'aime trop Gainsbourg pour retracer vraiment sa vie, je préfère raconter ses mensonges". Ou un truc du genre.

dimanche 14 février 2010

A serious man


Comme je suis un mec sérieux, je suis allé voir le dernier-né des frères Coen plutôt qu'une comédie bidon avec George Clooney.

Pour résumer, c'est l'histoire d'un honnête type qui ne demande qu'a avoir une petite vie bien rangée, oui mais voilà il tombe dans une merde pas possible. C'est quand on croit que ça commence à aller mieux que ça part en cacahuète. Rideau.
Pour le décor, prenez une banlieue américaine des années 60, avec un cottage préfabriqué, copie conforme de toutes les baraques du quartier, le gazon parfaitement tondu, et d’un coté le voisin antisémite qui empiète sur votre parcelle, de l’autre une voisine solitaire qui bronze toute nue en fumant des pétards. Et vous au milieu de tout ça, boulot pépère à l’université, petite vie bien rangée, on fait aller. Vous n’avez rien demandé à personne, oui mais voila, les emmerdes commencent. D’abord votre femme vous quitte pour un obèse un peu simplet et vous envoie vivre à l’hôtel, puis tout y passe, des problèmes d’argent à la crise existentielle qui vous pousse à aller voir trois rabbins qui ne vous seront d’aucune aide. Parce oui, comme si ça ne suffisait pas, vous êtes juif ! Dès lors, c’est normal de se sentir persécuté me direz vous. Poussé à bout, vous finissez par ne pas pouvoir faire autrement que d’accepter un pot de vin. C’est alors que vous obtenez une promotion, votre fils fait sa Bar-mitsvah et les choses semblent repartir comme sur des roulettes. Mais en fait, ce n’est que le calme avant la tempête…
Ca c’est pour le contenu. Au niveau de l’emballage, je retiens surtout une BO qui déchire, avec cette chanson dans l’esprit Woodstock qui revient comme un leitmotiv : Somebody to love des Jefferson Airplane, et aussi pas mal de plans incroyables, souvent truffés de détails truculents qui offrent une belle caricature de l’ambiance sixties version youpin. Les personnages sont cultes avant d’avoir ouvert la bouche, notamment cet énorme frère squatteur qui ronfle sur le canapé et se sert dans le frigo au milieu de la nuit, alors qu’il passe sa journée enfermé dans la salle de bain à drainer son kyste, quand il ne remplit pas des cahiers de gribouillis et de formules censés lui apporter la fortune. Franchement dégeu et plutôt marrant.


Bref, c'est franchement pas mal mais ça manque de cow-boy comme dirait mon grand-père, les seuls moments un tantinet jouissif du film étant quand le personnage principal se fait taper la tête contre le mur, celui où son voisin s’en prend à lui à coup de carabine ainsi que la traditionnelle scène de baise, décidément inévitable dans les productions hollywoodiennes, même quand il s'agit d'un pseudo-film d'auteur. Et encore, ces quelques instants attractifs ne sont que brièvement rêvés par cet « homme sérieux », plus que jamais enfermé dans la monotonie. Car c'est bien de ça qu'il s'agit, une histoire sans issue. En fait, les frangins réalisateurs nous offrent une belle démonstration de l’absurdité de la vie. Joel et Ethan jouent avec leur public en le menant en bateau comme Dieu tourmente ce pauvre Larry qui n’a rien fait de mal pour mériter tout ça.

A voir si vous aimez rire du malheur des autres.