Après bientôt 20 ans d’enregistrements home made et de tournées chaotiques dans les salles crasseuses du monde entier, loin, le plus loin possible des maisons de disques et des plateaux télés, les BJM peuvent bel et bien s’afficher comme les derniers gardiens de cette musique diabolique qu’on appelle vulgairement rock’n’roll. Drogues, bastons, membres du groupe virés à tour de bras : tout y passe, tant et si bien que la meute d’Anton Newcombe s’est forgée une réputation de vrais durs. Des purs-sangs. Des loups garous au milieu de Disneyland. Restait à vérifier le mythe en live. Car, tel saint Thomas, je ne crois que ce que je vois.
Après quelques heures de train et un ou deux litres de bière dans le sang, me voilà enfin à l’abart de Zurich, petite salle sombre à la scène large, sans barrière, idéale pour la tempête qui s’annonce. Après une première partie quelconque, la foule s’amasse aux premiers rangs avant que les fauves n’entrent en scène, tranquilles, complices et sûr d’eux. Le concert commence sans un mot, mais quelle puissance ! Pas moins de huit gaillards s’alignent face à nous, quatre guitares, une basse, une batterie, un clavier et l’immanquable Mr Tambourine Man, mon préféré. Alors forcément, ça vous prend aux tripes au fur et à mesure que les riffs se répètent et que le rythme s’accentue. Mais les BJM restent très sobres, tout en retenue.
Confiné dans un coin de la scène, ses cheveux masquant son visage, Anton, dont le perfectionnisme frise la paranoïa, réaccorde méthodiquement sa guitare à l’oreille tout les deux morceaux, tandis que le groupe, légèrement soumis, attend patiemment le signal du boss. A côté de lui se tient son frère rival, Matt Hollywood, éternel Poulidor du groupe, dont la pop trash et naïve, plus percutante que les ballades de Newcombe, n’est pas considérée à sa juste valeur. Il est pourtant une pièce indispensable à l’équilibre de la machine, au même titre que l’excentrique Joel Gion, placé au centre de la scène, tel le leader d’un boys band, avec pour seule arme un ridicule tambourin et son air niais. Le pauvre type qu’on avait découvert dans Dig! passera tout le concert les yeux dans le vague à taper en rythme sans jamais donner un coup de trop. Totalement décalé, il contribue mine de rien à créer ce fond sonore lancinant si caractéristique du groupe, sans doute plus que l’armada de guitares, j’en donnerai pour preuve un des guitaristes, qui, bien que disparu au milieu du concert, n'a rien changé à la mécanique bien rouillée du groupe.
D’un calme apathique, les mecs se permettront quand même quelques gorgées de bières et une ou deux blagues pour le public une fois le concert bien lancé, puis se contenteront de taper un peu du pied et de s’allumer une clope entre deux morceaux, histoire de la laisser se consumer entre la corde de mi et celle de la pendant le titre suivant. Lentement mais sûrement, la mayonnaise prend et ne retombera pas : deux heures de concert où les tubes s’enchaînent : Anemone, Not If You Were The Last Dandy On Earth, Oh Lord… Un pur plaisir ! On regrettera seulement que Newcombe, qui prétend tout de même savoir jouer plus de 80 instruments, se cantonne à la guitare et n’empoigne même pas un harmonica pour entonner la ballade de Jimi Jones. Mais bon, on va pas se plaindre, surtout que les types ont eu la sagesse de laisser de côté leur dernier album en demi-teinte pour nous offrir un grand moment de psychédélisme pur et dur. Sans écart mais intense.
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